La directive relative aux cadres de restructuration préventifs, à la seconde chance et aux mesures à prendre pour augmenter l’efficience des procédures de restructuration, d’insolvabilité et d’apurement a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne (JOUE, 26 juin 2019).
Elle doit être transposée dans notre Droit interne au plus tard le 17 juillet 2021. Ce délai pourra être allongé d’un an par la Commission européenne, en cas de difficultés particulières (art. 34).
Plusieurs principes issus de la directive doivent être soulignés. Ils concernent des aspects différents mais complémentaires d’un traitement global des difficultés des entreprises commerciales.
Une prévention plus efficace
La directive recommande des outils d’alerte et de détection accessibles pour les dirigeants (art. 3) et préconise un cadre de restructuration préventif efficace et allégé.
Dans ce but le recours à un juge n’est plus considéré comme indispensable (art. 4). Néanmoins, celui-ci demeure sur plusieurs points : l’évaluation de la situation financière d’une entreprise, la suspension des procédures individuelles pour permettre une négociation et la validation d’un accord.
L’initiative est laissée au débiteur, mais il s’y ajoute la possibilité d’une demande conjointe du débiteur et d’un de ses créanciers (art. 4). Le débiteur faisant l’objet d’une telle procédure se voit assister par un praticien si les États le souhaitent (art. 5). Cette assistance a été jugée nécessaire pour garantir le professionnalisme des acteurs de la prévention.
La directive prescrit une suspension provisoire des poursuites individuelles, limitée à quatre mois, avec une prolongation jusqu’à 12 mois, et réserve aux créanciers le droit d’en demander la mainlevée en cas de préjudice excessif (art. 6 et 7).
Et, un privilège légal est accordé aux créanciers apportant un concours financier dans ce cadre.
A l’exception du caractère facultatif de l’intervention judiciaire, ces orientations s’inspirent on le voit de la procédure française de conciliation.
Une procédure de restructuration renforcée
Malgré l’opinion exprimée par la Commission européenne de ne pas imposer une modification aux législations existantes lorsqu’elles donnent satisfaction, la directive n’en contient pas moins des règles destinées à s’appliquer, le cas échéant, aux procédures de restructuration existantes, telle que la procédure de sauvegarde et de redressement judiciaire.
Classes de créanciers
Outre un contenu détaillé des plans (art. 8), la directive prescrit la constitution de classes de créanciers pour voter sur les accords de restructuration, suivant le modèle anglo-saxon. Les créanciers devront être regroupés en fonction des droits, des privilèges et des accords existants, en différentes classes reflétant des intérêts économiques comparables (art. 9, § 4).
Les créanciers ainsi regroupés seront appelés à voter sur les propositions de restructuration (art. 9, § 2). La directive impose qu’au moins deux classes soient constituées, une pour les créanciers bénéficiaires d’un privilège ou d’une sûreté et l’autre pour les créanciers chirographaires.
Un traitement spécifique est prévu pour les actionnaires et les créanciers subordonnés, qui pourront être exclus du droit de voter sur les plans. Les États membres pourront aussi prévoir une classe pour les salariés bien que les plans ne pourront en aucune façon les affecter.
La directive permet, enfin, aux États membres d’écarter la constitution de classes pour les PME.
Les États membres pourront fixer librement les majorités mais dans la limite de 75 % du montant des créances dans chaque classe, dans le but de faciliter l’approbation des plans de restructuration malgré l’opposition de certains créanciers.
Si la conciliation est évidemment visée, il est vraisemblable que les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire seront aussi concernées : la sauvegarde répond aux critères d’une probabilité d’insolvabilité et il est difficile d’envisager des règles différentes dans une procédure de sauvegarde et une procédure de redressement judiciaire. En ce sens, la loi Pacte prévoit de façon expresse de remplacer les comités de créanciers par un regroupement par classes.
Homologation du plan
Les tribunaux sont investis par la directive d’un pouvoir de contrôle détaillé mais formel qui diverge du droit français où l’appréciation du plan se fait selon les critères légaux du maintien de l’activité, de la conservation des emplois et de l’apurement du passif. La directive préconise des conditions précises pour approuver les plans lorsqu’ils ont été adoptés à la majorité des créanciers et des classes de créanciers.
Le contrôle portera sur plusieurs points et en particulier, sur un élément, inspiré du droit américain, le « test du meilleur intérêt » : il consiste à comparer la situation des créanciers opposants dans un plan de restructuration avec la situation qui serait la leur en cas de liquidation (art. 10). S’appliquera aussi un autre critère celui de la priorité absolue : une classe de créanciers ne pourrait être désintéressée si une classe située dans un meilleur rang ne l’était pas (art. 11).
Effets du plan à l’égard des créanciers
Le plan une fois validé par un tribunal devient contraignant pour toutes les parties affectées c’est-à-dire les créanciers concernés par des modifications de leurs droits, étant précisé qu’il peut être prévu au niveau national que le plan ne doit en aucun cas affecter les droits des salariés (art. 15).
Le plan s’impose aux créanciers minoritaires dans chaque catégorie constituée (art. 9, § 4) et aux catégories de créanciers minoritaires (art. 11).
Une responsabilisation des dirigeants
La directive prescrit aux États membres des obligations générales à l’égard des dirigeants que chaque État devra transcrire dans son droit.
Les dirigeants doivent garantir les intérêts des créanciers en cas d’insolvabilité, prendre les mesures nécessaires pour éviter celle-ci et éviter des négligences graves dans la conduite des affaires pouvant compromettre la viabilité de l’entreprise (art. 19). On retrouve les obligations prévues et sanctionnées par le droit français en présence de fautes de gestion, d’absence de déclaration de cessation des paiements, de tenue défectueuse de la comptabilité et de détournement d’actifs.
Le législateur européen ne fait qu’évoquer la question des interdictions professionnelles en prescrivant une durée maximale de trois ans, sauf exception justifiée. Enfin le législateur européen préconise d’encadrer les droits des actionnaires, en excluant ceux-ci du droit de vote sur les plans de restructuration et en permettant aux tribunaux d’écarter leurs contestations à l’égard d’un plan voté contre leur gré (art. 9 et 12).
Un rétablissement facilité par l’effacement des dettes
Le droit français, comme les droits des principaux pays d’Europe occidentale, ont suivi le modèle anglo-saxon pour favoriser le rebond des débiteurs individuels grâce à un effacement des dettes impayées, ce qu’exprime la règle selon laquelle les créanciers impayés ne reprennent pas de poursuites individuelles, sauf exceptions, à l’issue de la liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d’actif. La directive y ajoute plusieurs principes.
En premier lieu, la remise des dettes impayées doit être automatique et ne pas dépendre d’une demande expresse du débiteur et intervenir en principe au terme d’une période de trois ans, calculée à partir de la confirmation d’un plan ou de l’ouverture d’une procédure basée sur l’insolvabilité. La remise des dettes impayées est, en outre, déconnectée de la clôture des opérations qui pourraient se prolonger au-delà.
Si des interdictions professionnelles sont fondées sur la seule insolvabilité, comme la règle du droit français prohibant l’activité indépendante d’un débiteur en liquidation judiciaire, elles doivent prendre fin au terme du même délai.
Des professionnels expérimentés
On relèvera, enfin, que la directive prend modèle sur le statut des mandataires de justice français en ce qui concerne les conditions de nomination et d’exercice (transparence, équité et formation professionnelle) et en reconnaissant aux parties le droit de récuser les praticiens désignés afin d’éviter des conflits d’intérêts (art. 26 et 27).
Des exigences de qualification sont également posées pour les juges composant les tribunaux en charge des procédures d’insolvabilité (art. 25). Les conditions d’accès et de contrôle des mandataires de justice et la formation initiale et continue assurée par l’École nationale de la magistrature (ENM) aux juges consulaires répondent largement aux préconisations du législateur européen.
Extraits tirés des EDITIONS LEGISLATIVES (https://www.editions-legislatives.fr/actualite/directive-sur-la-restructuration-et-l-insolvabilite-du-20-juin-2019)
DIRECTIVE (UE) 2019/1023 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 20 juin 2019